mardi 16 janvier 2024

Banque Nationale : «Le Canada est pris dans un piège démographique »

La population du Canada a augmenté de plus de 1,2 million en 2023, un chiffre inouï si l’on considère qu’il fait suite à un rebond de 825 000 en 2022 après la récession COVID. Ces chiffres sont stupéfiants si l’on considère qu’avant cela, il faut remonter à 1949, lorsque Terre-Neuve a rejoint la fédération, pour voir la population de notre pays augmenter de plus de 600 000 personnes au cours d’une année donnée.

Pour mettre les choses en perspective, la croissance démographique du Canada en 2023 était de 3,2 %, soit cinq fois plus que la moyenne de l’OCDE. De plus, les dix provinces ont connu une croissance au moins deux fois plus rapide que celle de l’OCDE, allant de 1,3 % à Terre-Neuve à 4,3 % en Alberta.

La croissance démographique actuelle du Canada semble extrême par rapport à la capacité d’absorption de l’économie et au fait que notre main-d’œuvre ne vieillit pas plus vite que la moyenne de l’OCDE. Ce défi de l’absorption n’est nulle part plus évident que dans le domaine du logement, où le déficit de l’offre a atteint un nouveau record, avec seulement une mise en chantier pour 4,2 personnes entrant dans la population en âge de travailler (par rapport à la moyenne historique de 1,8).

La croissance démographique est un obstacle à notre bien-être économique. Le fait que le PIB réel par habitant soit au point mort depuis six ans (et même en baisse récemment) en est un bon exemple.

La construction de logements détourne les capitaux d'investissements plus rentables

Certains économistes s’empresseront de souligner que cette stagnation est le reflet d’une productivité médiocre. Mais pourquoi les résultats du Canada en matière de productivité sont-ils si mauvais ? Serait-ce parce que ses ambitions démographiques sont trop élevées par rapport au stock de capital disponible dans le pays ? Selon les calculs de la Banque Nationale, le stock de capital par habitant du Canada s’est effondré de près de 1,5 % en 2023.

Selon le dictionnaire Oxford Reference, un piège démographique est une « Situation dans laquelle aucune augmentation du niveau de vie n’est possible, parce que la population croît si rapidement que toute l’épargne disponible est nécessaire pour maintenir le ratio capital/travail existant. »

Cela signifie que la population du Canada croît si rapidement qu’il ne reste pas assez d’épargne pour stabiliser notre ratio capital-travail et augmenter le PIB par habitant. En d’autres termes, le Canada se trouve dans un piège démographique pour la première fois dans l’histoire moderne. Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que le déclin n’est pas simplement dû à un manque d’infrastructures de logement. En fait, le stock de capital privé non résidentiel par habitant diminue depuis sept ans et n’est actuellement pas plus élevé qu’en 2012, alors qu’il atteint un niveau record aux États-Unis.

Le Canada est pris dans un piège démographique qui a historiquement toujours été réservé aux économies émergentes. Actuellement, le pays ne dispose pas des infrastructures et du stock de capital nécessaires pour absorber la croissance démographique et améliorer son niveau de vie. Pour la Banque Nationale, si le Canada veut augmenter sa productivité, ses décideurs politiques devraient fixer les objectifs démographiques du Canada en tenant compte des contraintes liées à notre stock de capital, qui vont au-delà de l’offre de logements. À ce stade, les experts de la BN pensent que la croissance démographique annuelle totale de notre pays ne devrait pas dépasser 300 000 à 500 000 personnes afin d’échapper au piège démographique. [Même cela nous semble excessif étant donné le déficit d’infrastructure et l’arriéré dans la construction de logements.]

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